Découvrez tous nos ouvrages sur www.sacra-doctrina.com

Écoutez le Texte en Cliquant sur le Carré Vert.

IV. Peccabilité de la créature libre



L’impeccabilité n’est naturelle qu’à Dieu. Quant à l’homme, il a reçu le libre arbitre pour accepter librement l’ordre établi par Dieu, pour y conformer ses choix. Mais il peut aussi abuser de sa liberté pour s’écarter de cet ordre.
« De même que le bien de toute chose est de demeurer dans l’ordre qui lui convient, de même son mal est d’abandonner cet ordre. Or, l’ordre de la créature raisonnable est d’être soumise à Dieu et de dominer les autres créatures. C’est donc un mal pour la créature raisonnable de se soumettre, par l’amour, aux êtres inférieurs ; c’est aussi un mal pour elle de ne pas se soumettre à Dieu, mais au contraire de l’attaquer présomptueusement ou de le mépriser. Or, la créature raisonnable considérée dans sa nature est exposée à ce mal, par suite de la flexibilité de son libre arbitre ; mais chez les bienheureux la perfection de la gloire exclut ce mal. »
(Sum. theol., II-II, q. 19, a. 11.)
« Les fins, comme les agents, sont ordonnées entre elles de sorte que la fin secondaire dépend de la fin principale, de même que l’agent secondaire dépend de l’agent principal. Or, il y a désordre ou péché quand l’agent secondaire sort de l’ordre fixé par l’agent principal : ainsi, lorsque la jambe, à cause d’une inflexion, n’exécute pas le mouvement commandé par la volonté, ce défaut produit une démarche vicieuse. De même toutes les fois que la fin secondaire cesse d’être subordonnée à la fin principale, la volonté pèche, bien que son objet soit bon et constitue une fin.
Or, toute volonté veut naturellement le bien propre de son sujet, c’est-à-dire sa perfection, et elle ne peut vouloir le contraire. Le péché de la volonté est donc impossible dans l’agent volontaire dont le bien propre est la fin suprême ou le souverain bien ; car cette fin n’est pas subordonnée à une autre, mais toutes les autres lui sont subordonnées. Cet agent volontaire est Dieu dont l’être même est la bonté souveraine c’est-à-dire la fin dernière. Il ne peut donc y avoir de péché de la volonté en Dieu.
Mais, si l’on considère dans sa nature tout autre être doué de volonté dont le bien propre doit être subordonné à un bien supérieur, le péché de la volonté est possible. Bien qu’il y ait, en effet, dans chacun de ces êtres une inclination naturelle de la volonté à vouloir et à aimer sa propre perfection, en sorte qu’il ne puisse vouloir le contraire ; il ne lui est pas donné par la nature de subordonner sa perfection à une fin supérieure, sans jamais pouvoir s’écarter de cet ordre ; car la fin supérieure n’est pas la fin propre de sa nature, mais celle d’une nature plus élevée.
Il dépend donc de son libre arbitre de subordonner sa propre perfection à la fin supérieure ; car les êtres doués de volonté diffèrent de ceux qui en sont privés en ce qu’ils se subordonnent eux-mêmes et ce qui leur appartient, à la fin ; tandis que les autres ne s’ordonnent pas eux-mêmes à la fin, mais y sont ordonnés par un agent supérieur. »
(Sum. contra Gentiles, lib. III, c. 109.)